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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/321

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1627. octobre.

« Sire, pour ne faire rien indigne de moy, et quy fit tort a la charge de mareschal de France dont vous m’avés honoré, je suis forcé, avec un extreme regret, de me retirer de vostre armée et de supplier tres humblement Vostre Majesté de me permettre d’en sortir. Je m’en vas a Paris attendre que l'honneur de vos commandemens m'appelle en quelque lieu ou je luy puisse continuer les mesmes tres humbles services que j’ay fait par le passé, luy demandant cependant en singuliere grace de ne point adjouter de foy aux mauvais offices que mes ennemis me feront, jusques a ce qu’Elle les ait bien averés. Pour moy je l'asseureray que je seray a l’avenir ce que j’ay esté par le passé, sçavoir vostre tres humble et tres fidelle creature. »

Le roy me persuada fort de demeurer, me dit que je ne l'avois jamais abandonné, que j’estois opiniatre et que tout le monde me donnoit le tort ; que le mareschal de Chomberg, quy avoit le mesme interest que moy, me condamnoit, et que je sçavois bien que, quelques compagnons que j’eusse, il me donneroit toujours les meilleurs emplois. En fin voyant qu’il ne me pouvoit vaincre, il me dit adieu apres m’avoir fait promettre que je l’irois dire a monsieur le cardinal, auquel en mesme temps il envoya un de ses ordinaires nommé Sanguin[1] pour le prier qu’il me fit demeurer a quelque prix que ce fut.

Je m’en allay le trouver, et il me donna tant d’asseurances de sa bonne volonté, me montra tant de tendresse jusques a pleurer, et me presenta la carte blanche pour mettre ce que je voudrois : je luy dis en

  1. Charles Sanguin, alors gentilhomme ordinaire, fut maître d’hôtel du roi en 1630.