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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/111

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journal de ma vie.

donnés avoint gaigné le pas de la Balme, mais qu’il estoit de telle sorte qu'ils ne croyoint pas que l'on y peut passer, tant il estoit rude et fascheux. Je poursuyvis donc mon premier dessein et vinmes camper a Olacheray. Nous eumes quelque allarme des ennemis quy estoint encor sur le col de Cormette a nostre veue ; mais ils ne demeurerent gueres là : car des que le prince Tomas sceut que le col de la Lossa avoit esté surpris, craignant d’estre enfermé entre l'avant garde et la battaille du roy, comme il eut esté sy je fusse passé, quitta son retranchement de Conflans cette nuit mesme[1], et avec la diligence qu’il peut, vint gaigner Moustiers et le pas du Ciel ou il se pensoit retranché, comme trente ans auparavant le duc son pere avoit fait contre le feu roy.

Le dimanche deuxieme, a la pointe du jour, je fis monter les trouppes, ce quy ne se pouvoit faire qu’un a un, et je me mis a pié a leur teste avec Mr le marquis de Nesle, laissant Mrs du Hallier et commandeur de Valançay au millieu et a la queue pour les faire mieux avancer. Nous allasmes gayement jusques a neuf heures du matin, quoyque avesques grand peine, dans la neige ; mais passé cela, et que le soleil eut commencé a la fondre, nous eumes de terribles peines que nous surmontasmes en fin, et eusmes monté et descendu le

  1. Le cardinal de Richelieu, dans une lettre datée du 29 mai, annonçait à la reine-mère que le prince Thomas avait quitté Conflans dès la veille (Lettres du cardinal de Richelieu, t. III, p. 679). Mais dans ses mémoires le cardinal dit que le prince fit une pause au pas de Briançon, sur le cours supérieur de l'Isère. C’était donc de ce dernier poste que, pour couvrir sa retraite sur Moutiers, le prince Thomas faisait occuper les passages des montagnes.