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1630. juin.

col de la Lossa sur les onse heures. Puis nous marchames environ une lieue, apres quoy nous rencontrames un autre col sans neige plus aspre que celuy de la Lossa et plein de pierres aiguües quy nous couppoint les piés : il s’appelloit le col de Nave qu’ayans monté et descendu avesques des peines incroyables nous nous trouvasmes dans un assés bon village nommé Nave[1] ou nous trouvasmes quelque vin quy servit bien a donner cœur a nos soldats pour passer outre, plusieurs estans tout a fait recreus. Apres qu'ils se furent un peu resfraichis, nous passames outre et montames encor deux cols, non tels[2] que les deux premiers, nommés le grand Cœur et le petit Cœur[3], et puis nous nous trouvasmes a Aigueblanche[4] ou de bonne fortune me vindrent rencontrer deux cens chevaux que le roy m’avoit envoyés, croyant que le prince Tomas avoit tourné teste contre moy quy n’avois aucune cavalerie. Je montay lors a cheval et me mis a leur teste, croyant que nous pourrions rencontrer les ennemis a leur retraitte et faire quelque effet. Mais ils avoint desja passé Moustiers quy se rendit a moy a mon arrivée et une compagnie de carabins aussy quy s’estoit arrestée derriere, que je fis desmonter et desarmer, et suyvis les ennemis de sy pres qu'ils ne peurent conserver le pas du Ciel que j’occupay sans resistance

  1. Naves, grand et petit, est dans un vallon dont le torrent vient se jeter dans l'Isère, rive droite.
  2. Il y avait aux précédentes éditions : aussi fâcheux.
  3. Le grand Cœur et le petit Cœur sont au sud de Naves, assez près de Isère.
  4. Aigueblanche, dans la Tarentaise, sur la rive droite de l'Isère.