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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/140

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1631. février.

l’eage de cinquante ans)[1] en chercher une nouvelle, et qu'ayant donné au roy mon service et ma vie je luy pouvois bien donner aussy ma liberté, qu’il me rendroit bien tost quand il jetteroit les yeux sur mes services et ma fidellité ; qu’au pis aller j’aimois mieux vieillir et mourir dans une prison, jugé d’un chascun innocent et mon maitre ingrat, que par une fuitte inconsiderée me faire croire coupable et soubçonner mesconnoissant des honneurs et charges que le roy m'a voulu departir ; que je ne me pouvois imaginer que l’on me veuille mettre prisonnier n’ayant rien fait, ny m’y retenir quand on ne trouvera aucune charge contre moy ; mais quand on voudra faire l’un et l’autre, que je le souffriray avesques grande constance et moderation, et qu’au lieu de m’eslongner je me resolvois des demain matin de m’aller presenter a Senlis au roy, ou pour me justifier sy l’on m’accuse, ou pour entrer en prison sy l'on me soubçonne, ou mesmes pour mourir sy on avere les douttes que l’on a peu prendre de moy, et quand on ne trouveroit rien a redire a ma vie ny a ma conduitte, pour mourir aussy, et genereusement et constamment, sy ma mauvaise fortune ou la rage de mes ennemis me pousse jusques a cette extremité.

Comme j'achevay ce discours Mr d’Espernon, les larmes aux yeux, m’embrassa et me dit : « Je ne sçay ce quy vous arrivera, et je prie Dieu de tout mon cœur que ce soit tout bien ; mais je n’ay jammais connu gentilhomme mieux né que vous, ny quy merite mieux toute bonne fortune : vous l’avés eue jusques

  1. Il l'avait même dépassé.