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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/139

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journal de ma vie.

qu’il ne seroit pas une heure a Paris et qu’il se mettroit en lieu de seureté d’ou puis apres il pourroit faire sa paix ; mais qu’estant proche de quattre vingts ans il se sentoit bien encor assés fort pour faire une traitte, mais qu’il craindroit de demeurer le lendemain : c’estoit pour quoy, puis qu’il avoit esté sy mal habile de venir encor faire le courtisan a son eage, il estoit bien employé qu’il en pastit, et qu’il tenteroit toutes choses et mettroit toutes pierres en œuvre pour se restablir tellement quellement, et puis de s’en aller finir ses jours en paix dans son gouvernement ; mais pour moy qui estois encores jeune, en estat de servir et d’attendre une meilleure fortune, il me conseilloit de m’eslongner et de conserver ma liberté, et que il m'offroit de me prester cinquante mille escus pour passer deux mauvaises années, que je luy rendrois quand il en viendroit de bonnes.

Je luy rendis premierement tres humbles graces de son bon conseil et en suitte de son offre, et luy dis que ma modestie m'empeschoit d’accepter le dernier et ma conscience d'effectuer l’autre, estant tres innocent de tout crime et n’ayant jammais fait aucune action quy ne merite plustost louange et recompense que punition ; qu'il a paru que j’ay toujours plustost recherché la gloire que le proffit, et que, preferant mon honneur non seulement a ma liberté mais a ma propre vie, je ne le mettrois jammais en compromis par une fuitte quy pourroit faire soubçonner et douter de ma probité ; que depuis trente ans je servois la France et m'y estois attaché pour y faire ma fortune ; que je n’en voulois point maintenant (que j’approche