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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/19

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journal de ma vie.

menoit : son cheval y fut pris. Je donnay par le bas avec Mr de Crequy et les François, ou le marquis Ville fut fort blessé[1]. Nous suyvismes sy vivement nostre pointe que sans la resistance qu’y fit pres d’une chapelle un capitaine espagnol[2] et peu de soldats a nos enfans perdus, quy donna loisir au duc et au prince de se retirer, ils estoint tous deux pris. Nous vinmes sans arrester jusques sur le haut a la veue de Suse[3] ou d’abbord on nous tira forces canonnades de la citadelle de Suse ; mais nous estions sy animés au combat et sy joyeux d’avoir obtenu la victoire que nous ne faisions aucun estat de ces coups de canon. Je vis une chose quy me contenta fort de la noblesse françoise quy estoit là, parmy laquelle Mr de Longueville, Mr de Moret, Mr d’Aluin, monsieur le premier escuier[4], et plus de soissante autres estoint avesques nous : une canonnade donna a nos piés quy nous couvrit tous de terre ; la longue connoissance des canonnades m’avoit appris

  1. « Le marquis de Ville, général de la cavalerie du duc, et l’un de ses meilleurs hommes, reçut en cette occasion une mousquetade qui lui cassa le bras et l'épaule. » (Mémoires du cardinal de Richelieu.) — Gui Ville, marquis de Ville, servit depuis dans les armées de la France en Italie. Maréchal de camp en 1636, lieutenant général en 1643, il fut tué au siége de Crémone en 1648. Il avait obtenu des lettres de naturalité.
  2. Ce capitaine espagnol, qui lutta contre Tréville, et fut blessé et pris, se nommait Serbellon, suivant Levassor : l'historien de Toiras l'appelle Mercader, et raconte que sur la demande de la princesse de Piémont, le roi lui fit rendre la liberté au prix d’une enseigne de diamants qu’il donna à Tréville.
  3. Suse, ville du Piémont, située au pied du mont Cenis et du mont Genèvre, à l’issue de ce fameux passage appelé le pas de Suse.
  4. Saint-Simon.