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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/231

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journal de ma vie.

Grisons la candeur de son ame, et la sincerité de ses intentions, en mettant dans ces forts les Grisons mesmes pour les garder ; qu’a cet effet il feroit lever quattre ou six regimens de mille hommes chascun, de leurs compatriottes, tant pour s’en servir s’il estoit attaqué par les Espagnols, que pour leur confier la garde d’une partie de ces forts jusques a ce que les choses peussent estre en estat de ne plus rien apprehender. Cette proposition contenta les Grisons, et Mr de Rohan creut que ce luy estoit un plus grand affermissement parce qu’il choysit les plus affidés des Grisons au service du roy, tant aux charges de colonels que de capitaines, lesquels il engageoit encores davantage par ce nouveau bienfait, et qu’il ne les establiroit point es lieux les plus importans s’il ne vouloit, ce quy luy reussit pour lors. Mais comme cette levée requeroit, pour sa substance et sa solde, une grande somme d’argent outre celle que le roy employoit a l'entretien des autres forces qu’il avoit audit païs, et qu’en ce mesme temps le roy faisoit de prodigieuses despenses en beaucoup d’autres endroits, les payemens n’en furent pas sy ajustés et sy certains qu’il eut esté a desirer ; de sorte que ceux quy estoint mis sur pié a dessein de faire taire les autres, furent ceux quy avec le temps crierent le plus haut, et quy donnerent le plus de peine a Mr de Rohan. Les années cependant escouloint, et les Grisons estoint opprimés de nos trouppes et mal payés de leurs gages, ce quy leur causoit beaucoup de fascheries et mescontentemens, et quy fit resveiller les partisans des Espagnols, quy commencerent a semer sous main divers discours au desavantage de la France pour esmouvoir leurs