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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/354

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appendice.

en foule dans le fort de Thoulon qui est au dessus de la ville sur une haulte montaigne, jusques au nombre de sept a huict cens, tant soldatz que habitans d’icelle. Mais comme, par ung juste jugement de Dieu, la confusion et le desordre estoient parmy eulx, St André et quatre des cappitaines qui estoient avec luy, voyants qu’ils ne pouvoient davantage tenir ny se sauver de ce fort (que je fis aussy tost environner de quelques regiments), estans venus d’eux mesme sans parolle de qui que ce soit dans mon camp, pour se presenter a moy et implorer ma misericorde (ce qui m’eust touché le cœur s’ils y eussent eu recours plus tost), j’estimay que je les debvois retenir pour aviser a ce que j’aurois a faire d’eux. Ceux qui estoient restés ayans encore depuis faict contenance de se deffendre, comme ilz ont veu qu’ilz ne pouvoient eviter le mal qui les pressoit, se sont pareillement rendus a ma discretion ; mais Dieu voulant les perdre et vanger par eux mesme leur rebellion et desobeissance, a permis que quelques uns d’entre eux, endurcis de plus en plus au mal, ont de propos deliberé mis le feu dans ung grand sacq ou il y avoit quantité de pouldre a canon, laquelle ayant enlevé celuy qui l’avoit allumé et quelques autres, tant de ces miserables que des soldatz de mes gardes, François et Suisses, que j’avois ordonnez pour asseurer ce fort et empescher qu’il n’y arrivast du desordre, mes gardes, excitez par ce mauvais acte, estimants que ce fust une mine que l’on eust faict jouer contre eux, s’emporterent de fureur et, contre mon intention et mes deffences, tuerent la plus part de ceux qui s’estoient jectez dans le dit fort, si bien qu’il se peut dire que ceux la ont receu par leur faict mesme le chastiment qu’ilz meritoient ; aucuns se sont sauvez dans cet accident inopiné, et d’aultres ont esté faictz prisonniers en grand nombre, entre lesquelz, oultre St André, Clauzel et Vanderome, il y a encore six ou sept hommes de commandement, et le reste sont soldatz et habitans de lad. ville. Ainsy cette place dont l’assiette est fort advantageuse et les dehors bien fortiffiés de bastions, cornes et demy lunes, oultre les forts qui estoient alentour, dont celuy de Thoulon sembloit estre inaccessible, a esté emportée en dix jours, et ce succez se peult dire, comme il est veritablement, d’autant plus important et considerable, que cette prise assure le repos du pays de Vivaretz et