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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/51

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journal de ma vie.

ne les voulut recevoir qu’a discretion, ce qu'ils refuserent. Allors nous les investimes de toutes parts avec les gardes, les Suisses, Champaigne, Piemont, Normandie, Pfalsbourg, Vaillac, Languedoc, Lestrange[1], et Annoné, et mismes Picardie sur les avenues des Boutieres. Saint André de Montbrun[2], quy commandoit dedans, demanda à se rendre, et se vint mettre entre nos mains a discretion. Le roy voulut que ceux du fort en fissent de mesme, et Saint André leur escrivit a cet effet; mesmes j’envoyay Marillac et Biron, mareschaux de camp, pour les recevoir : mais ils ne se peurent accorder ensemble, ny avesques nous, et sur cela vint une furieuse pluye quy continua toute la nuit ; elle m’obligea d’estre sus-pié, craignant qu’a la faveur de cette tempeste les ennemis taschassent a se sauver, les nostres n’estans assés soigneux de les en empescher. Ce fut une des plus mauvaises nuits que j'aye passé de ma vie : mais, Dieu mercy, ils ne l’entreprindrent pas.

Le mardy 29me nos soldats quy avoint investy le

  1. Ce régiment appartenait à Claude de Hautefort, vicomte de Lestrange, fils aîné de René de Hautefort, seigneur du Teil, et de Marie, vicomtesse de Lestrange. Le vicomte de Lestrange était aussi vicomte de Privas du chef de sa femme Marie de Chambaud. ll fut décapité à Toulouse en 1632 pour avoir pris les armes en faveur du duc d'Orléans.
  2. Alexandre du Puy, marquis de Saint-André de Montbrun, troisième fils de Jean du Puy, seigneur de Montbrun, et petit-fils du brave Montbrun, fut depuis lieutenant-général en France et généralissime de Venise en Candie. Le duc de Rohan l'avait jeté dans Privas avec cinq cents hommes de pied et douze maitres. Il prétend, dans ses mémoires, que Saint-André était sorti de la place avec assurance de la vie sauve pour ses soldats, et qu’il fut retenu prisonnier par surprise.