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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/150

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vous ai ouvert ma maison à vous, la réfugiée ! Je vous ai dit : venez, mon enfant, venez avec nous, vivez de nous, voici l’abri, le pain, la tendresse ! Et lâchement vous m’avez volé l’amour de mon mari.

GINETTE, (se traînant à genoux, Cécile courbée sur elle.)

Je suis désespérée… J’ai tout fait pour le repousser au contraire ! Il n’y a rien eu de mal entre nous !

CÉCILE.

Rien de mal ! Ce petit mot ! Rien de mal ! quand vous me l’avez pris et emporté jusqu’à le jeter froidement à la mitraille. Car votre orgueil voulait toute la proie, et avec vos grandes phrases creuses, vous l’avez ensorcelé sans doute pour mieux en faire votre esclave mystique… C’est pour vous qu’il est allé se faire tuer.

GINETTE, (dans un cri de sursaut.)

Pour la Patrie ! Pour la Patrie !

CÉCILE.

Pour vous.

GINETTE.

Non !

CÉCILE.

Si !… À la rue… tueuse !… Je ne sais pas, si vous restiez là, ce que je serais capable de faire.

GINETTE.

Je ne peux pas me défendre. Vous ne comprendriez pas maintenant. Je ne pense qu’à votre affreuse douleur. Je suis en effet une criminelle, puisque cette douleur, c’est à moi que vous la devez, à moi seule, après tout !… J’aurais dû fuir !

CÉCILE.

Ah ! oui, une criminelle et la pire, la plus abjecte