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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/151

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qu’il y ait ! Je vous aimais, nous vous aimions tous ici… Il n’y a pas de plus grand crime, puisqu’au moment même où veuve, je pourrais au moins pleurer sa mort, vous m’enlevez jusqu’à la possibilité des larmes !… C’est trop affreux vraiment ! C’est trop pour moi ! En apprenant la mort de celui qu’elles aiment, toutes les femmes, toutes, ont la joie au moins de le pleurer et moi, je ne le peux plus !… Pierre, tu m’as trahie ! je t’ai perdu maintenant pour l’éternité ! Ah ! va, c’est mon dernier cri d’amour pour toi, je ne te pleurerai plus jamais… tu m’as fait trop de mal !

(Elle retombe, déchirée, écrasée.)
GINETTE, (toujours à genoux, s’approchant d’elle.)

Pardon pour lui ! Oui, tout vient de moi. J’ai tort de m’absoudre ! tout vient de moi et rien de lui !

CÉCILE.

Ne me touchez pas. Ne me touche pas, toi ! Ah ! ces yeux, comment ne les ai-je pas vus ! Comment n’ai-je pas vu plus tôt leur ignoble expression. J’étais trop noble, trop pure ! Je ne pouvais pas distinguer votre bas amour derrière son masque de faux héroïsme.

GINETTE.

Non ! je ne l’aimais pas d’amour…

CÉCILE, (se levant.)

Ah ! ça, c’est vrai ! Le voilà, le cri du cœur ! Non, jamais vous ne l’avez aimé ! En effet, non ! Jamais vous n’avez aimé cet homme, car vous n’auriez pas eu le courage de l’envoyer à la mort, le courage que, moi, je n’avais même pas !… C’est vrai, elle ne l’aimait pas ! Et lui, le pauvre fou, il l’adorait ! Fallait-il qu’il vous aimât pour avoir gardé sur lui toutes vos lettres ! À ce point que vous n’imaginiez pas pareille impru-