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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/207

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GINETTE.

Je n’obéis à aucun ordre, à aucune suggestion… ne le croyez pas. Je me suis trop attardée, j’étais lâche… Je quitte la maison du bon accueil… Pardon !… Mais il faut que je reparte là-bas… (Elle montre la fenêtre.) dans la direction du Nord… Cécile a réveillé en moi, non pas des remords, mais des voix intérieures. J’entends tout à coup certains appels irrésistibles. Elle a bien fait de me parler ainsi. J’ai plus nettement envisagé mon devoir ! À chacun le sien, comme l’on a sa destinée !… Cécile, vous avez fait toute la lumière en moi.

DUARD.

Le devoir !… le devoir… Quel abus des mots ! le devoir de la jeunesse n’est pas de frayer avec des fantômes… ni de renoncer à la vie… n’en déplaise à cette femme qui prétend le contraire. La jeunesse… la jeunesse, elle est toute puissante !… Le devoir aujourd’hui consiste en ceci : aimer, créer…

GINETTE.

La jeunesse ? Mais je n’en fais déjà plus partie… C’est fini ! Celle qui devra créer, comme vous le dites, c’est une autre jeunesse… toute fraîche, celle de demain, intacte, pas touchée… À celle-là, l’avenir, l’élan que nous avions ! Notre jeunesse à nous n’est plus ce qu’elle fut hier… Elle a trop vu de drames, de douleurs, tomber trop d’idéals… Oh ! elle n’est pas découragée, au contraire, mais c’est une jeunesse amère, pensive, qui n’a plus qu’à passer le flambeau à celle qui la suit…

DUARD.

Aspirer à la vie effacée, rester cloîtrée dans le deuil, voilà le crime, Ginette ! Une femme, une seule, disant : « que d’autres agissent, j’abdique ! »