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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/304

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perdu à la guerre… au contraire… de subir tout le temps ces regards ironiques faussement bienveillants et d’avoir à regarder la pointe de mes souliers en murmurant : « Oui, la santé chancelante de notre fils !… »

MADAME LEVASSEUR.

Ah ! le voilà, le cri du cœur !… la vanité !… Tiens, inconsciemment, tu viens de te révéler tout entier ! Ce n’est pas ton âme de père, tes convictions de directeur de conscience qui te font sacrifier ton fils… C’est pour ne plus avoir à faire des démarches gênantes, tout simplement ! C’est pour ne plus avoir à supporter le sourire goguenard de quelques malveillants amis ou confrères. Ah ! je les connais, tes mesquineries de caractère, va !… Il n’y avait qu’à t’entendre prononcer à l’instant : « Un homme important, un industriel notoire ! » Ah ! là ! là ! tu en avais plein la bouche… Moi, je suis plus franche vis-à-vis de toi, je ne triche pas avec mes sentiments !

LEVASSEUR.

Ah ! foutre non, en effet !

MADAME LEVASSEUR.

J’avoue mes transes, mon effroi !… mon épouvante, qu’aucun raisonnement du monde ne peut arriver à calmer, à surmonter ! Ce sont des tares, des faiblesses, soit ! Mais devant ce refus vaniteux, dont ton fils connaîtra la cause, je t’en préviens, de nous venir en aide, alors que tu pourrais tout, oui, tout… moi, je ne m’incline pas, je t’en avertis ! Les démarches, je les tenterai seule, en attendant la réforme temporaire qui ne saurait tarder… Je me démènerai toute seule…