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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/381

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JEANNE.

Mais cependant, tout ce que tu disais au retour de ta captivité… Tout ce que vous avez rêvé, vous autres !…

PAUL.

Oui, l’âge d’or ! C’est nous qui étions fous de parler de justice sociale, de fraternité et autres balivernes… Tu ne le connaîtras pas, maman, l’âge d’or… Il y a trop de choses à venger et à refaire. L’époque est aux malins qui sauront tirer leur épingle dans l’écrabouillement général. Suivons l’exemple, maman, et laissons passer cette époque-là qui crèvera bien comme les autres… Une guerre, qu’est-ce que c’est que ça !… On pensait que tout serait changé après elle… Une guerre, c’est un petit point grand comme l’ongle dans l’espace ! Une paille dans l’infini !… La terre roule sa bosse… pareille comme avant… implacable. Tirons notre coupe, maman… En somme, quoi ? En voilà des chichis pour reconnaître un pépère déjà barbu qui a passé l’âge de la nourrice ! À quoi bon ce luxe inutile !…

JEANNE.

Comment, à quoi bon ? Et ton avenir ?

PAUL.

Ce que nous aurions voulu, hein, maman, c’est qu’ils nous ouvrent mieux que leur bourse, leur cœur !… Ah ! oui ! S’appeler Levasseur, être le fils du puissant industriel, c’eût été quelque chose, bien sûr… Mais les bras tendus, la maison ouverte, le bon sourire heureux, et pour toi, maman, le respect, la bonté… Ne pleure pas, va ! C’était trop épatant… Sûr ! Quelle folie !… Alors, contentons-nous de la bourse. On ne peut tout de même pas