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Page:Baudoin - Jolis péchés des nymphes du Palais-Royal, 1882.djvu/74

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JOLIS PÉCHÉS

dans mes bras, l’homme se croyait à cet heureux âge d’or où la beauté n’avait d’autre voile que sa chevelure. J’étais une nouvelle Ève pour ces nouveaux Adams ; et l’on croyait retrouver en moi toute l’innocence et la fraîcheur du premier âge. Je m’enrichissais à un tel point, que, loin de paraître faire des progrès en civilisation, j’affectais de conserver mes manières furtives, mon air égaré. Je déchirais mes vêtements comme des voiles importuns, et courais embrasser avec passion le premier homme qui me tombait sous la main. Ce caractère extraordinaire séduisait, enchantait ; on me prodiguait les présents, et le soir, quand la farce était jouée, je faisais ma caisse, non en sauvage mais en personne d’esprit qui sait parfaitement calculer. On m’avait souvent parlé d’un personnage qui aimait à la folie les beaux ongles ; les miens étaient absolument comme de la nacre de perle : que d’or j’eus encore de cet entreteneur ; malheureusement vive, légère, étourdie, sans prévoyance, et vraiment folichonne, comme on m’avait surnommée, j’étais un véritable tonneau des Danaïdes. Plus je recevais, plus je dépensais. L’engouement de ma personne se passa ; car, vous le savez, tout passe. Je finis par tomber dans les bas grades de la galanterie, jusqu’à ce moment où je me relevai dignement, en entrant comme aspirante dans l’établissement fastueux de la Destain… On me demanda si je saurais