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Page:Baudrimont - Recherches expérimentales et observations sur le choléra épidémique.djvu/35

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Lorsque l’épidémie commença ses ravages dans Valenciennes et ses environs, j’avoue que je me trouvai fort embarrassé. Jusqu’alors, la maladie n’avait même pas été décrite d’une manière convenable, et les différents traitements qui avaient été préconisés, même par des hommes fort célèbres et auxquels toute mon estime était due, étaient si disparates, si incohérents, si peu en rapport avec les faits observés, qu’il me paraissait impossible d’en tirer quelque enseignement utilisable pour le traitement de cette maladie. Un phénomène singulier, qui eut lieu à cette époque, vint fixer mes idées et me mit sur la voie d’un traitement dont je n’ai eu qu’à me louer. Dans la nuit du 4 au 5 mai 1832, des blanchisseuses du faubourg de Paris observèrent que du linge, qui avait été mis au bleu avec du tournesol, était devenu rouge. De mémoire d’homme jamais ce fait ne s’était présenté. Il existait bien une fabrique d’acide chlorhydrique à Marly-lez-Valenciennes, mais elle était chez M. Tancrède même, où j’avais un pied à terre pendant l’épidémie, et je savais que l’on n’avait point fait d’acide chlorhydrique ce jour-là. Je vis une partie de ce linge ; il était d’un rouge vineux.

Ce fait avait-il une relation directe avec l’épidémie régnante ? Je ne puis l’affirmer ; mais je l’admis comme très probable. Pensant que le choléra pouvait être dû à la présence d’un acide répandu dans l’atmosphère, acide qui pouvait être sécrété par des animalcules microscopiques, comme l’acide formique l’est par les fourmis ; ayant observé par moi-même l’épaississement du sang des cholériques, et même dans quelques cas graves l’impossibilité de pratiquer une saignée à cause de ce fait, je crus que la première chose à faire était de combattre cet épaississement du sang, pour agir contre la cause qui produit le choléra. J’employai l’ammoniaque, qui, étant volatile, pouvait saturer les acides répandus dans l’air, et pour fluidifier le sang je fis prendre aux malades du bi-carbonate de soude, sel qui, lorsqu’il est bien saturé, n’a aucune saveur désagréable et peut être pris à une dose assez élevée sans aucun danger. Je fus d’autant plus confirmé dans l’emploi de ce traitement, que les ouvriers de la fabrique de charbon animal de M. Tancrède, où régnait constamment du carbonate d’ammoniaque dans l’air, n’étaient nullement atteints par l’épidémie, et que j’appris d’une manière certaine par M. Jules