Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/136

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née gagnait chaque jour quelque chose dans les cœurs qu’elle avait intérêt d’attendrir. Mascave la visitait assidûment, et était surpris de lui entendre raconter les plus petites particularités de son enfance. Il est vrai que la princesse disgraciée de la nature les racontait avec la même exactitude ; mais les paroles de l’une avaient une persuasion qui manquait à la dernière. À mérite égal, une belle personne a des avantages infinis sur une laide. Insensiblement Mascave oublia le chemin de l’appartement de la vraie Rannée ; il ne bougeait d’auprès de celle pour laquelle son amour ne méritait plus ce nom. C’était une passion vicieuse, parce que la fausse Rannée n’avait rien qui pût entretenir un amour vertueux. Quand le sentiment qu’on nomme tendresse est poussé jusques-là, il cache à la vérité les défauts de l’objet aimé ; mais il ne les cache que superficiellement : l’estime s’anéantit faute d’aliment, et le fait d’une manière si imperceptible, que celui