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Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/235

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Vathek, saisi de crainte et chancelant, était sur le point de se prosterner devant le berger qu’il sentit bien devoir être d’une nature supérieure à l’homme ; mais son orgueil l’emporta, et, levant audacieusement la tête, il lui lança un de ses terribles regards. Qui que tu sois, lui dit-il, cesse de me donner d’inutiles avis. Ou tu veux me tromper, ou tu te trompes toi-même : si ce que j’ai fait est aussi criminel que tu le prétends, il ne saurait y avoir pour moi un moment de grâce : j’ai nagé dans une mer de sang pour arriver à une puissance qui fera trembler tes semblables ; ne te flatte donc pas que je recule à la vue du port, ni que je quitte celle qui m’est plus chère que la vie et que ta miséricorde. Que le soleil reparaisse, qu’il éclaire ma carrière, que m’importe où elle finira ! En disant ces mots, qui firent frémir le Génie lui-même, Vathek se précipita dans les bras de Nouronihar, et commanda de forcer les chevaux à reprendre la grande route.

On n’eut pas de peine à exécuter cet ordre ;