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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/116

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superstitieuses qui les assiégeaient depuis le départ, leur pensée inquiète, soupçonneuse et déjà hostile, se concentra sur l’énormité de la distance parcourue.

Et cependant, à la date du 1er octobre, ils ne se croyaient qu’à 584 lieues des îles Canaries, tandis qu’ils en étaient réellement à 707 lieues. Colomb, à ce moment avait fait bien plus de chemin qu’il ne s’y fût attendu au départ : il pensait qu’une journée à peine de navigation le séparait de l’Inde.

Cette erreur qui provenait chez lui d’une fausse évaluation du diamètre terrestre, une grande partie de son entourage en suspectait maintenant la sincérité. La haute idée qu’on avait prise de ses lumières accréditait cette opinion, qui n’est peut-être pas sans fondement. On n’admettait point qu’il se fût si fort abusé lui-même, mais on craignait qu’il n’eût exagéré sciemment la facilité de son entreprise.

Il faut avouer que, sur ce point, les apparences étaient contre lui, et qu’il y ajoutait par son sang-froid devant les continuelles déceptions qui exaspéraient ou abattaient les plus vaillants hommes de son équipage.

Peut-être, avec moins d’héroïsme, eût-il inspiré plus de con- fiance ; mais la grandeur d’une âme est moins aisée à cacher que celle d’un monde.

Bien des historiens ont fait de Matheos l’âme d’une conspiration ourdie contre l’Amiral et à laquelle auraient pris part les trois équipages, sans que les frères Pinzon aient rien fait pour l’étouffer. Elle se manifesta d’abord par le relâchement de la discipline. L’Amiral, encore obéi, mais avec une visible répugnance, était