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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/125

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sévère ; repentants et soumis, ils le trouvaient calme, radieux, paternel.

Au point du jour l’escadre se mit en mouvement. Poussée par une faible brise, elle glissait sur des eaux si transparentes, qu’elles laissaient voir un fond de rochers, dont on évita aisément les saillies. Une rade, ou plutôt une plage faiblement arquée, offrant bientôt un atterrage moins suspect, l’amiral en fit prendre la direction, et il ne tarda pas à reconnaître une île de peu d’étendue, et tellement plate et étroite, qu’une vue perçante comme la sienne en pouvait embrasser presque toute la superficie en largeur.

Les détails, à cette heure peu avancée du jour, furent moins prompts à se livrer. Une vapeur légère fondait les couleurs des objets et en émoussait les contours ; d’immenses prairies humides et scintillantes de rosée encadraient un lac nuancé de bleu et de rose, des flaques d’eau nacrées miroitaient à travers ce voile, déchiré çà et là par des flèches d’or. L’ombre et le jour confondaient ici leurs mystères, leur poésie, donnant à cet ensemble d’harmonieux contrastes une suavité ineffable, un aspect tendre, béat, paradisiaque. À le voir, les cœurs les plus durs s’épanouissaient comme des fleurs.

Et le soleil n’avait pas encore paru ! qu’allait être ce jour précédé d’une telle aurore !

Il se leva enfin, ce Titan sublime et stupide ; il inonda de sa lumière inconsciente cette moitié du monde où il était encore adoré comme un dieu, et où, bientôt, le signe du salut, le soleil du Verbe, cette lumière qui illumine tout homme venant en ce monde, allait renverser ses autels fumants et pourpres de sang humain.