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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/16

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— Ôte ton bonnet, me dit Nolo, qui se tenait près de moi tête nue, ainsi que deux ou trois des hommes de quart.

— Et maintenant, poursuivit-il, ce que tu vois là, enfant, c’est la barre de Saltes, et au delà Palos.

— Palos… Palos… j’en suis charmé, mais franchement je ne vois rien.

— C’est juste, fit le quartier-maitre, et il me passa une longue-vue mise à mon point.

— À présent, dis-je, à la bonne heure, je vois une étroite bande de terre rougeâtre. C’est ce que je prenais tout à l’heure pour un nuage.

— Et tu ne vois que ça ?

— Je ne vois que ça.

— Eh ! bien, moi qui n’ai ni ta longue-vue ni tes yeux de quinze ans, je vois trois vaisseaux marchant de conserve, trois vaisseaux comme on n’en fait plus. À présent que tu es prévenu, les vois-tu ?

— Non, patron, pas davantage, et franchement, je crois que vous ne les voyez guère vous-même.

— Je les vois si bien, matelot de mon cœur, que je lis couramment leurs noms, moi qui ne sais ni lire ni écrire. Les deux plus petits s’appellent l’un Niña et l’autre Pinta. Le plus gros, le plus lourd, celui qui porte le pavillon amiral, un pavillon avec un grand crucifix au milieu, c’est la Sainte-Marie, une caravelle espagnole du bon vieux temps. Debout, sur le château de poupe, est le capitaine, un bel homme, avec de grands yeux couleur du temps, des yeux qui regardent droit devant eux. Cet homme, le plus grand de tous les hommes, c’est l’inventeur du nouveau monde, partant pour sa première expédition.

— Christophe-Colomb ! m’écriai-je en laissant tomber la longue-vue.

— Ah ! tu le vois à présent ?