Aller au contenu

Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, patron, comme il y a un Dieu, je le vois.

— À la bonne heure, fit Nolo.

Et voyant mes yeux humides d’émotion et de respect :

— Ça, mon garçon, ajouta-il, c’est la meilleure des longues vues, celle qui porte le plus loin.

Quelques heures après nous laissions à gauche l’embouchure du Guadalquivir, puis le petit port de Rota, et, grâce à une bonne brise de nord-ouest, le soir du même jour, nous jetions l’ancre en rade de Cadix.

Là, dans l’enchantement d’un premier séjour en Espagne — en Andalousie ! — j’oubliai Christophe Colomb, j’oubliai Nolo, je faillis même un jour, oublier la gabarre la Truite ; mais, dès que nous eûmes repris la mer, ma vision me redevint aussi présente qu’à l’heure même où j’en avais été favorisé. Je voyais Christophe Colomb ; je le concevais même dans toute sa grandeur, sans rien savoir de lui, je l’avoue à ma honte, que son nom et sa découverte.

Nolo-Kerdrec se chargea bien volontiers de m’en apprendre davantage ; je dirai même qu’en un certain sens, il m’en apprit, on me passera bien cette locution vulgaire, beaucoup plus qu’il n’y en avait. L’esprit légendaire du moyen âge revivait tout entier dans ce digne marin breton. Aussi en était-il venu, peu à peu, de la meilleure foi du monde, à mettre sur le compte du héros de son choix tout ce qu’il en avait trouvé de digne parmi les contes et récits recueillis dans ses longs voyages.

Plus tard, en refaisant tant bien que mal mon éducation, j’ai retrouvé dans la mythologie, dans la vie des saints, dans celle des marins célèbres — y compris le fameux Sinbad, ce Colomb des Mille et une Nuits, — des traits de courage ou d’habileté nautique, des mots spirituels ou profonds, et enfin jusqu’à des miracles, qu’il m’a fallu,