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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/165

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Aussi ne fut-ce pas sans un double serrement de cœur qu’il prit enfin ses dernières dispositions pour un voyage devenu aussi nécessaire que périlleux, par suite de la perte totale d’un de ses deux navires, et du mauvais état du second. Il procéda au choix de la garnison qui se composa de quarante-deux hommes, la plupart d’élite, sous le commandement de son neveu Diego de Arana ; après quoi, ayant pourvu de son mieux à tout événement, et laissant à la petite colonie les instructions les plus sages, les plus paternelles, il prit congé de l’inconsolable Guacanagari, et, le vendredi 4 janvier, il partit pour l’Europe, sur la Niña chargée à couler, mais portant mieux que César et sa fortune.

À peine sorti de la passe, le vent tourna et devint tellement contraire qu’on ne put avancer qu’en courant des bordées. Colomb en profila pour relever les points les plus saillants de cette admirable côte, dont il ne s’éloignait qu’en soupirant. Au pied d’un mont qu’il appela Monte Cristo, et comme il entrait dans le port du même nom, un cri parti de la hune signala la Pinta. C’était en effet ce navire, que la brise fraîchie rangeait comme de force à son devoir.

Faisant de nécessité vertu, l’aîné des Pinzon fut bientôt près de l’Amiral, auquel, pour expliquer sa désertion, il donna des défaites dont celui-ci se laissa payer par prudence, mais non sans écrire sur son journal « que, une fois sa mission remplie, il ne souffrirait plus les méfaits d’hommes indélicats et sans vertu, qui prétendaient faire prévaloir leur volonté contre celui qui leur fit tant d’honneur »,

Pinzon, au reste, en cette occasion, ne perdit pas seulement la