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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/179

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vu le triomphal retour de l’Amiral, acheva tellement de le désespérer, qu’il mourut subitement et sans que sa mort fût remarquée, sans qu’elle fit du moins aucun bruit.

Telle fut la fin déplorable d’un homme doué de grands talents, d’un marin justement estimé, auquel la part qu’il avait prise à la découverte du nouveau monde assurait un brillant avenir. Il peut être compté parmi les célèbres victimes de la plus aveugle, et il faut le croire, de la plus indomptable des passions.

Quant à Christophe Colomb, on peut penser quel immense soulagement ce fut pour lui de n’avoir point à sévir contre un homme qu’il n’aurait pu épargner cette fois. La joie qu’il eut de revoir la Pinta fut donc sans mélange comme celle des habitants de Palos, dont aucun n’eut une absence à déplorer.

La petite cité reconnut tout ce qu’elle devait à Colomb pour avoir si bien disposé les choses, mais elle vit aussi dans la façon dont elles avaient tourné une disposition expresse de celui qui dispose de tout ; le jour de l’arrivée, elle avait accompagné l’Amiral et tous ses marins à l’église, où d’un seul et même cœur ils avaient rendu grâces à Dieu ; le lendemain, elle les suivit de même à la chapelle de Sainte-Marie-de-la-Rabida, où, nu-pieds et en chemise, comme pauvres gens sauvés de naufrage, ils allaient accomplir un vœu solennellement fait en mer.

La communion donnée et la messe dite, Juan Perez et Christophe Colomb, s’étant dérobés à la foule, montèrent ensemble les marches de cet humble observatoire où ils avaient tant de fois ensemble agité les destins du monde ; et là enfin commencèrent entre eux de longs et doux entretiens.