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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/201

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n’eût fermé les yeux sur ce nouveau genre de fraude, des formes humaines se dresser furtivement du fond des embarcations, et se glisser de même par les sabords dans l’intérieur des navires. C’étaient des passagers de contrebande, et parmi eux plus d’un fils de bonne maison, tant la fièvre de l’or avait déjà gagné, en Espagne, toutes les classes. Plus de trois cents individus, la plupart mal famés, et même coupables de crimes, parvinrent ainsi à déjouer la surveillance des chefs de l’expédition. Ils formèrent plus tard le noyau de l’opposition qui fit avorter les vues les plus sages et les plus pures de l’Amiral.

Bientôt, au signal du départ, à ce coup de canon qui retentit dans tous les cœurs et qui en a brisé plus d’un, l’on vit se détacher de chaque navire la grappe de canots qu’il semblait traîner pendue à sa coque. Le vide s’était déjà fait autour de la Gracieuse-Marie, qui, on le sait, portait l’Amiral et son pavillon ; une seule embarcation y était encore amarrée, fixant sur elle tous les regards. Un adolescent et un enfant descendirent dans ce canot, qui aussitôt fit force de rames vers le port. C’étaient les fils de Christophe Colomb. Ils envoyaient des baisers à leur père.

Deux heures plus tard, l’escadre n’était plus en vue, et après dix jours de navigation elle touchait à la Gomera, une des Canaries.

Après une courte relâche dans ces îles, où il compléta ses approvisionnements de semences et d’animaux domestiques pour la future colonie, Christophe Colomb fit mettre le cap beaucoup plus au sud que lors de son premier voyage et, le 3 novembre, après vingt et un jours d’une traversée à peine contrariée par