Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/202

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quelques heures de gros temps, il pénétrait, suivant ses prévisions, dans le groupe le plus méridional des Antilles.

Ce jour étant un dimanche, le premier après la Toussaint, la première île découverte reçut le nom de Dominique, qu’elle porte encore aujourd’hui. L’Amiral en prit possession dans les formes accoutumées ; puis, comme d’habitude, il y fit ériger une croix, la première qui, dans le nouveau monde, ait été bénite par un ministre de l’Église.

Ce prêtre, que tant de circonstances appelaient mieux que tout autre à remplir un tel ministère, ce moine, auquel étaient encore réservés pour plus tard l’honneur et la joie de dire la première messe qu’ait entendue le nouveau continent, c’était le père Juan Perez de Marchena. Isabelle l’avait choisi comme un délégué de sa conscience pour accompagner Christophe Colomb.

Il n’a pas fallu moins de quatre siècles pour rendre à la figure de Juan Perez les justes proportions que la modestie de ce personnage, le manque de documents et les préjugés de quelques écrivains avaient dissimulées ou amoindries. Son concours, sa présence même à la deuxième expédition, ont presque toujours été passés sous silence par les historiens des deux derniers siècles. On les avait même contestés devant les témoignages contemporains les plus formels,

Juan Perez de Marchena vit donc enfin, lui aussi, et un des premiers, ces nouvelles terres découvertes par son ami. Mais, en même temps qu’il en admirait les splendeurs, il en put voir les harmonies profondément altérées par la main de l’homme, et les richesses de toute sorte détournées de leur fin par l’avarice et la sensualité.