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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/204

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dans des cuisines pêle-mêle avec des quartiers de chien et d’iguane, des perroquets, des oisons, des canards.

L’anthropophagie n’était donc pas là un fait accidentel, déterminé comme on l’a observé dans la plupart des cas, par une question d’animosité, de vengeance, ou par une superstition quelconque ; c’était une satisfaction donnée à la sensualité, un usage commun et rendu plus exécrable, s’il est possible, par l’abondance et la variété de denrées animales et végétales dont jouissaient ceux qui la pratiquaient.

On peut penser à quel point de telles horreurs affligèrent le pacifique Juan Perez, si bien préparé qu’il eût été par Colomb.

Une seule chose étonnait ce dernier, tant elle était contraire à ses prévisions. Il ne comprenait pas que ces Caraïbes, dont le courage égalait la barbarie, n’eussent opposé aucune résistance à son débarquement et qu’ils eussent laissé à sa merci tout ce que leurs cases contenaient de plus précieux. Bientôt, cependant, n’y voyant pas plus d’armes qu’il n’avait aperçu de pirogues sur le rivage, il en conclut qu’avant son arrivée ils étaient partis pour quelque expédition de guerre, ne laissant dans l’île, avec les femmes et les enfants, qu’une très faible partie des leurs.

Cette supposition ne tarda pas à être confirmée par des femmes d’une autre race dont on avait eu d’autant moins de peine à s’emparer, que, prisonnières des Caraïbes, elles n’avaient d’autre perspective que d’être dévorées tôt ou tard et de servir, en attendant, comme esclaves ou comme épouses.

Celles qui avaient dû à leur beauté ce dernier avilissement n’étaient du reste pas plus privilégiées que les autres : elles