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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/203

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Il eut aussi à méditer douloureusement sur cette loi dure, mais formelle, qui, partout où la force est unie à l’intelligence, lui asservit la mansuétude et la candeur.

Colomb ne l’ignorait pas, cette loi ; aussi, avec la justesse de sens qui lui révélait à la fois la constitution physique et morale du monde, avait-il deviné d’un même coup d’œil les lieux habités par les féroces cannibales et la supériorité intellectuelle de cette race sur les timides peuplades des contrées voisines.

La première terre qu’il découvrit après la Dominique, où il ne crut pas devoir s’arrêter, et Marie-Galante, qui ne le retint pas davantage, justifia de point en-point ses appréciations.

Cette île, dont il changea le nom caraïbe de Taruqueira en celui de la Guadeloupe, était richement boisée d’arbres odoriférants, chargés de fleurs et de fruits à profusion. Dès ses premiers pas, il y rencontra des cultures bien entendues et soignées. De nombreux villages, abandonnés de leurs habitants, témoignaient plus clairement encore d’une civilisation relativement assez avancée. Les maisons, solidement construites de matériaux légers comme le voulait le climat, étaient spacieuses, bien distribuées pour la salubrité et l’agrément, ornées presque toutes de galeries ou de portiques extérieurs. On y remarqua des hamacs en filet de coton, aussi commodes qu’élégants, et divers meubles et ustensiles travaillés avec une patience et un art surprenants ; entre autres de grands et beaux vases de terre, dont plusieurs contenaient des morceaux de chair humaine cuits et prêts à être servis.

Des têtes fraichement coupées, des membres d’hommes et de femmes étaient placés dans des sortes de garde-manger ou pendus