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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/209

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Pour le coup, il n’y avait pas à s’y tromper, Colomb avait eu affaire à de vrais Caraïbes.

Il dut cependant renoncer à faire pour le moment plus ample connaissance avec cette race intrépide. Le temps le pressait, et il lui fallut poursuivre sa route vers Saint-Domingue, où il arriva en peu de jours, après avoir encore relevé sur son passage les îles Sainte-Croix, Sainte-Ursule, Saint-Jean-Baptiste et le groupe d’ilots innombrables auxquels il donna le nom d’archipel des Onze-Mille-Vierges.

À la grande surprise de tous ses marins, qui le voyaient se diriger dans ces nouveaux parages comme s’ils lui eussent été familiers, l’Amiral vint mouiller le 22 novembre, ainsi qu’il l’avait annoncé, dans ce même golfe de Samana, où il avait laissé, onze mois précédemment, une garnison espagnole.

Une chaloupe fut immédiatement envoyée en reconnaissance à l’embouchure du Fleuve d’Or, et là, le premier objet que l’on rencontra, ce fut, attaché à deux troncs d’arbres disposés en forme de croix, un cadavre dont l’état de putréfaction ne permettait pas de distinguer la race.

Il en fut de même d’un second et d’un troisième et de plusieurs autres, jusqu’à ce qu’enfin la barbe qui tenait encore au chairs de l’un d’eux ne permit plus aucun doute à ce triste égard.

Tous ces crucifiés étaient bien des Européens que le courant du fleuve portait comme en procession au-devant de leurs frères.

Il y avait dans un si lugubre spectacle mieux qu’un présage du sort éprouvé par la garnison. Bientôt, en effet, on apprit qu’elle avait été, jusqu’au dernier homme, brûlée avec le fortin, ou mas-