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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/210

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sacrée, en divers lieux, par le cacique de la Maison d’Or, le terrible Caonabo, un Caraïbe.

Anacoana avait-elle perdu tout empire sur son sauvage époux, ou bien, en présence des crimes commis par les Espagnols, les avait-elle abandonnés à la juste vengeance de son peuple, c’est ce qu’il fut difficile de discerner dans les rapports du fidèle Guacanagari. Ce chef, dont on n’a pas oublié le tendre respect pour Colomb, était venu en toute hâte à sa rencontre, dès qu’il l’avait su de retour. À l’en croire, il avait tout fait pour prévenir et empêcher la catastrophe, jusqu’à combattre, en personne, contre son allié Caonabo. Il alléguait une feinte blessure, comme preuve de sa sincérité. Cette fraude, bientôt découverte, le fit soupçonner d’une trahison à laquelle l’Amiral refusa toujours de croire, et l’événement donna raison à une confiance qui, n’eût-il fait que la simuler, aurait été de bonne politique.

On n’en jugea pas ainsi dans son entourage ; il eut à repousser, à cette occasion, des conseils aussi peu sensés que violents, et bientôt des imputations suggérées par l’extermination de la naissante colonie. La vérité est cependant qu’il avait laissé à celle-ci des instructions de la plus admirable sagesse — on les possède, — et qu’une seule, la plus formelle, celle de ne jamais coucher hors du fortin, eût rendu impossible la catastrophe dont un Boïl et un Fonseca osèrent accuser son imprévoyance, En effet, il n’avait pas été sitôt parti, que son délégué, Diego de Arana, avait vu son autorité méconnue sur les points les plus essentiels ; non contents de traiter les Indiens avec la plus affreuse barbarie, la plupart de ses gens avaient quitté la forteresse pour vivre au dehors, dans des