Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/225

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en attestaient la réalité, étaient loin de produire l’effet qu’il en avait tout naturellement attendu en se rappelant son premier triomphe. Le charme était rompu, rompu à jamais. Les déserteurs de l’expédition avaient parlé.

Mieux que le Génois Christophe Colomb, ces Espagnols connaissaient la fière indolence d’un peuple qui, aujourd’hui encore, récolte la plus mauvaise huile du monde, tandis qu’il en pourrait avoir la meilleure, si, au lieu de ramasser ses olives pourries sous l’arbre, il daignait les cueillir à temps. Or on lui avait appris, à ce peuple de gentilshommes, que l’or, si abondant qu’il pût être dans le nouveau monde, encore fallait-il se donner quelque mal pour le recueillir. De ce jour-là, le nouveau monde et son révélateur avaient perdu tout leur prestige.

Cette épreuve ne découragea pas l’Amiral qui, en somme, n’avait jamais sérieusement compté que sur Isabelle. Si froide qu’eût été la missive officielle qui l’appelait à Burgos, si prévenus qu’il s’attendit à trouver les deux rois, il se présenta à leur audience avec un respect confiant et aisé, devant lequel s’écroula subitement tout l’échafaudage des accusations intentées contre lui.

Au lieu de la défense qu’il avait préparée un peu au hasard, on ne lui demanda que le récit de sa deuxième expédition, et ce récit ne fut interrompu que par des marques d’intérêt et des questions témoignant de la vive et intelligente curiosité d’Isabelle.

Le roi Ferdinand, d’un naturel moins expansif, interrogea Colomb sur un seul point, que celui-ci, par une précaution peut-être feinte, avait évité d’aborder. C’en fut assez pour réveiller les espérances des puissants ennemis de Colomb, qui, sur ce point, le