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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/232

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bonnets du parti : on le posa en victime, en martyr, comme on a fait depuis de tant d’autres de ses pareils ; mais cet incident, qui ne pouvait plus discréditer Colomb dans les bureaux, fit du moins penser aux chenapans qui composaient son équipage que leur amiral était un homme.

Le soir de ce même jour, Colomb ouvrait en ces termes son journal adressé aux deux rois :

« Le mercredi, 30 mai (1498), je partis au nom de la très-sainte Trinité, de la ville de San Lucar souffrant encore des fatigues de mes premiers voyages. À mon précédent retour des Indes, j’avais espéré goûter un peu de repos en Espagne, mais je n’y trouvai que chagrins et tourments. »

Celui qui écrivait ces lignes n’emportait pas seulement de sa patrie adoptive le sentiment d’y être méconnu ; à une telle cause de découragement, s’ajoutaient des souffrances physiques, qu’il ne craignit pas d’aggraver par le choix d’un itinéraire, le plus hasardeux qu’il se fût encore tracé.

Lorsqu’il eut atteint, presque sous la ligne équatoriale, d’abord l’île de la Trinité, puis l’immense delta formé par les bouches de l’Orénoque, il avait acheté cette importante découverte de la terre ferme par tout ce que la faim, la soif, les éléments, la maladie, peuvent causer de souffrances à un homme.

Ces épreuves, dont quelques-unes étaient aussi nouvelles pour lui que pour ses compagnons, n’eurent pas raison de son énergie. En lutte avec un équipage dont les misères lui faisaient seules pardonner le peu de soumission, miné par la fièvre, torturé par la goutte, à demi privé de la vue par une ophtalmie, il dictait les