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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/239

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Déjà il savait que son frère, auquel il avait délégué en partant son autorité, l’avait vue aussitôt méconnue par toute la partie turbulente de la colonie.

Barthélemy, en cette occasion, avait déployé toutes les ressources d’un génie à la fois militaire et organisateur, que son frère seul connaissait, mais qui n’avait pas tardé à se révéler à ses adversaires eux-mêmes, par des mesures aussi sages que vigoureusement soutenues. Renonçant à se faire aimer d’hommes incapables d’un bon sentiment, il s’en était fait craindre ; au gant de velours de Christophe Colomb, il avait substitué un gantelet de fer.

Ce moyen lui aurait peut-être réussi à la longue, s’il n’avait eu affaire qu’à des hommes en communion de mœurs et d’idées avec lui, tels qu’étaient plusieurs des Européens. Et cela d’autant mieux, qu’on avait bientôt su l’accueil favorable dont la cour avait honoré Christophe Colomb. Fort de cette nouvelle, Barthélemy espérait détacher du groupe de ses ennemis le perfide mais politique Roldan, et quant aux complices ou aux rivaux de ce dangereux personnage, de sévères leçons les avaient déjà à peu près réduits, lorsqu’un nouvel élément de désordre était venu compliquer la situation.

Christophe Colomb, lors de son dernier départ, avait pu penser qu’il laissait soumise de gré ou de fait toute la population indienne de l’île, à l’exception des tribus restées neutres, sur lesquelles régnait le noble et puissant cacique Behechio, beau-frère de Caonabo. L’enlèvement de ce dernier avait causé dans l’île une émotion générale et des prises d’armes partielles ; mais Barthélemy en avait