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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/240

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eu facilement raison, grâce à la neutralité persistante de Behechio. Un an s’était écoulé sans que rien annonçât aucun changement dans les dispositions ambiguës de ce chef qu’on ne pouvait considérer ni comme ennemi ni comme allié.

Une position si indépendante n’en avait pas moins ses dangers pour l’autorité espagnole. D’un moment à l’autre, le chef des tribus belliqueuses du Xaragua pouvait offrir à un des partis qui divisaient la colonie, où à une des bandes qui l’infestaient, les moyens de la dominer par les armes ; et en effet, on crut savoir que Roldan négociait secrètement avec lui dans de telles vues, et qu’une influence toute-puissante sur l’esprit du cacique était déjà parvenue à l’y faire entrer.

À cette nouvelle, la première pensée de Barthélemy fut de mettre le pied sur cette mèche incendiaire ; la seconde de rendre visite à la belle et puissante Anacoana.

Barthélemy fut un très grand homme. Pour égaler son frère, peut-être ne lui manqua-t-il que le don de l’initiative, et une plus large dose de cet élément féminin qui sert de levain au génie, et fait qu’une sorte de grâce est toujours unie à la force.

La capture et la mort de Caonabo lui avait semblé un abîme ouvert entre les Européens et la veuve de ce barbare, et cette erreur lui avait fait négliger une femme au pouvoir de laquelle il ne croyait d’ailleurs que médiocrement.

Heureusement, il reconnut sa faute avant qu’elle devint irréparable, et, aussitôt, conciliant la galanterie à la politique, il partit avec un corps de troupes le plus nombreux et le mieux armé possible, afin de donner à sa visite cette pompe guerrière, qu’aucune