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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/250

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comme au hasard, mais avec une largeur et une justesse de vues dont le passage suivant pourra donner au moins une idée.

« Je ne dois pas être considéré comme un gouverneur ordinaire exerçant dans une ville ou province régulièrement administrée et jouissant de lois qui peuvent être littéralement exécutées ; ce que j’ai droit à demander, c’est qu’on me juge comme un capitaine envoyé d’Espagne aux Indes, pour y conquérir des peuples nombreux, belliqueux, différant des nôtres par la religion et les mœurs, vivant disséminés par les montagnes et sans points de réunion fixes ; car, dans les Indes, il n’y a ni villes, ni traités politiques, » etc. À cette revendication du vrai, du seul point de vue duquel son administration devait être jugée, Colomb aurait pu ajouter un fait : c’est que son système de pénalité, à l’égard des indigènes, était loin d’égaler en sévérité celui qu’il avait trouvé en vigueur chez ces peuples eux-mêmes. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, à l’affreux supplice du pal dont le simple délit de vol était puni chez eux, il avait substitué la marque, usitée pour le même cas en Espagne, où elle entraînait une dégradation morale dont l’idée même était étrangère à des sauvages. — Que leur importait d’ailleurs l’estime de leurs oppresseurs, de conquérants qu’eux-mêmes ils en étaient venus à regarder comme autant de larrons pillards, assassins, sacrilèges ?

Quant à la réduction de ces mêmes sauvages en servitude temporaire, quel autre moyen d’exploiter le sol et les mines lui avaient laissé d’un côté la fainéantise espagnole, et de l’autre l’insatiable avidité du fisc ?

Au reste, bien qu’il n’eût pas sur l’esclavage les idées du temps