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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/249

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tueuse sympathie, mais il refusa le soulagement qu’on lui offrait. Entrevoyait-il quel relief donneraient un jour à sa gloire ces chaînes qu’il voulut emporter jusque dans la tombe ?

Qu’une telle pensée ait pu s’offrir à l’esprit d’un si grand artiste c’est ce qui n’a rien d’improbable, pour qui a vu l’esquisse dont nous avons donné une brève description dans la première partie de ce récit. Un autre grand Italien, et longtemps après lui un poète non moins jaloux et non moins soigneux de sa gloire, n’ont-ils pas, dans un sentiment analogue, préféré à un tardif retour dans leur patrie, la perpétuité d’un exil artificiel ?

De même que la lance d’Achille pouvait seule guérir les blessures qu’elle avait faites, de même l’autorité de qui émanait l’injure dont souffrait Colomb, devait seule être admise à la réparer.

De toute façon, un sujet si fidèle ne croyait pas pouvoir, sans crime, se dérober au traitement, même injuste, que lui infligeait le représentant déclaré de ses souverains.

Mais un autre motif encore paraît avoir inspiré sa conduite ; un motif plus sérieux que le soin de sa gloire, plus sacré que la soumission due aux rois : c’était la soumission à la volonté de Dieu.

Ce sentiment est l’esprit même de sa lettre à la bonne Juana de la Torre, nourrice du feu prince don Juan, son amie. Mais cette vague apologie de sa conduite qu’il rédigea pendant la traversée, n’exprime pas seulement la fière résignation aux événements et l’absolue confiance en Dieu qui faisaient le fond de son caractère et de sa doctrine ; destinée à être mise sous les yeux de la reine, elle va au-devant des accusations et les réfute, sans méthode et