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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/256

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Le temps change parfois étrangement l’aspect des choses : Colomb, appareillant obscurément de Cadix avec quatre petits navires, combien ne nous semble-t-il pas, et combien n’est-il pas en effet plus grand, qu’évoluant naguère dans ces mêmes eaux avec une pompe royale, entrainant d’un geste une flotte, et accompagné des vœux de tout un peuple, qui n’avait d’yeux que pour le contempler, de voix que pour l’acclamer et le bénir.

Mais depuis longtemps l’habitude avait émoussé chez Colomb le sentiment pour nous si vif de ces contrastes. Depuis longtemps il ne jugeait ses propres actes que comme les devait comprendre l’équitable postérité ; et celui qu’il s’apprêtait en ce moment à accomplir, avait à ses yeux toute la grandeur qu’on s’accorde à y reconnaître aujourd’hui.

Il se proposait de reprendre l’exploration de la terre ferme découverte par lui le 1er août 1498, et d’arriver, soit à un détroit qu’il soupçonnait dans les parages d’Honduras, soit à une mer libre, qui aurait permis d’accomplir la circumnavigation du globe.

À cet effet, il emmenait avec lui, non plus comme à son précédent voyage, un ramas de bandits et de faméliques chercheurs d’or, mais des marins choisis, pour la plupart, des hommes de cœur et de savoir, et, en tête de cette élite, son vaillant frère Barthélemy, qui commandait une des quatre caravelles.

À bord de la sienne, la capitanate, il avait son futur historien, son fils Ferdinand.

On verra bientôt pour quelle rude école il l’avait arraché à la mollesse, aux séductions de la plus brillante des cours ; Mais, si l’on veut savoir avec détail dans quel abime de misère se trouva