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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/266

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je pleurai humblement sur mes erreurs. La voix alors acheva en ces termes :

« — Espère, prends courage, tes travaux seront gravés sur le marbre et ce sera justice. »

Ces passages dont les meilleurs juges ont comparé la sublimité à celle des Écritures, font partie de la fameuse pièce, justement et à plus d’un titre appelée la lettre rarissime.

Lorsque Colomb écrivit aux deux rois cette lettre qui, confiée à des sauvages, n’arriva que par miracle à sa destination, il avait dû, après treize mois de tortures, s’échouer sur une plage de la Jamaïque, avec les deux seuls navires qui lui restaient. Le brave Diego Mendez et un noble génois de la maison de Fiesque, s’étaient bien aventurés sur une pirogue de sauvages pour aller demander des secours à Saint-Domingue, mais on n’avait plus de nouvelles d’eux et on les tenait pour morts.

Une position si désespérée semblait ne pouvoir plus s’aggraver pour l’Amiral, lorsque d’une part, ses hommes, après une révolte dans laquelle il faillit périr, l’abandonnèrent presque tous et se répandirent en pillards dans l’intérieur de l’île ; en même temps les indigènes, las de pourvoir à ses besoins, entreprirent de l’affamer.

À cette menace, suivie d’un commencement d’exécution, Colomb retrouva tout à coup cette fertilité d’esprit que plus haut nous n’avons pas craint de comparer à celle d’Ulysse. Se rappelant, à propos, qu’une éclipse de lune était imminente, il prédit aux sauvages récalcitrants, qu’en punition de leur conduite, la lune s’apprêtait à leur refuser sa lumière.

On comprend aisément ce qui s’ensuivit : le disque de la lune