Aller au contenu

Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

richesses qu’avait rapportées le conteur, croire ce Cathay assez opulent pour payer les frais d’une neuvième et suprême croisade. Tel était en effet le dernier terme de l’ambition du pauvre pilote génois : découvrir le chemin le plus court pour aller de l’Europe dans l’Inde, et, les trésors que procurerait cette découverte, les consacrer à la délivrance du saint Sépulcre.

Pendant qu’il ébauchait encore ce grand dessein avec ce mélange d’ardeur et de prudence que nous aurons tant de fois l’occasion d’admirer en lui, ayant, comme il l’a dit plus tard, « des rapports constants avec des hommes lettrés, ecclésiastiques et séculiers, Latins et Grecs, Juifs et Maures, » une circonstance, telle que la médiocrité de sa situation ne pouvait la lui faire attendre, apporta un grave et heureux changement dans sa vie privée, tout en lui fournissant de nouveaux moyens d’étude et d’observation pratique.

Vers l’époque où il était arrivé en Portugal, une perte sensible venait d’attrister la petite colonie italienne qu’avait fixée en ce pays la protection de don Henrique : Barthélemy Mognis de Perestrello, un des principaux marins, jadis employés par l’Infant dans ses expéditions maritimes, venait de mourir ruiné par le fait même de la récompense accordée à ses longs services.

Nommé gouverneur de Porto-Santo, une des Madères, et autorisé à coloniser cette île, où de grandes possessions lui étaient assignées, les capitaux lui avaient manqué à cet effet, et une circonstance aussi bizarre que funeste avait achevé sa ruine et celle d’une colonie ébauchée : des lapins, apportés dans l’île par les premiers colons, y avaient multiplié dans une telle abondance,