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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/59

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on raconte que cet examen dura longtemps et que le peu qu’il en transpirait semblait à Colomb du meilleur augure, quand un bruit répandu dans Lisbonne lui fit suspendre à cet égard son jugement. Des matelots, récemment revenus en mauvais état d’une mystérieuse expédition se raillaient du Génois et de ses idées ; à mots couverts, d’abord, puis hautement et avec la jactance que donnent ces vins du Midi, ils se vantaient d’avoir expérimenté le fameux projet de Colomb et d’avoir payé cher la confiance de leur chef en cet aventurier.

Ces fanfarons ne mentaient qu’à demi : leur commandant, un marin de quelque valeur, avait reçu copies des plans, cartes et notes de Colomb, et, parti avec une mission apparente pour le cap Vert, il devait en effet voler au confiant Génois ce qu’un roi voulait bien lui devoir mais non lui payer.

Mais s’il était aisé de prendre à Colomb une idée, il l’était moins de se donner le cœur et le génie d’un tel homme. Quelques jours de navigation vers l’ouest épuisèrent la résolution de ces forbans. La peur de l’inconnu les affola. Chaque souffle d’un vent ironiquement favorable leur semblait avancer leur perte. Il changea, ce vent, tout à coup, et ils bénirent la tempête qui les écartait de leur but. La mer, enfin, les rejeta sur ce même rivage où le futur grand amiral de l’Océan put les voir aborder pâles, tremblants, mais déjà moqueurs comme tous les lâches.

Colomb méprisa leurs sarcasmes ; mais, dans son âme, il rompit toute attache avec l’instigateur de cette tentative, qui, osée contre lui, n’avait tourné en somme qu’à son profit et à sa gloire.

À entendre, en effet, ces hommes et leur triste chef, là où ils