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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/64

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à demi conquise déjà, de l’Espagne pied à pied arrachée aux Maures et aux Arabes. Là aussi, et bien plus sûrement, en apparence, il y avait profit, honneur, devoir. Avant la conquête et la conversion de peuples inconnus, pour ne pas dire imaginaires, passait la patrie à purger de ces Maures, de ces Arabes, non moins mécréants et plus redoutables que les habitants de Cypangu et du Cathay. Nulle des forces vives de la nation et de la couronne, également réduites aux derniers sacrifices, ne pouvait être détournée d’un si grand objet, même dans un but plus immédiat et plus certain que n’était celui de Colomb, même pour une expédition exigeant moins de frais et de bras que la sienne.

Ces considérations et beaucoup d’autres n’avaient pu manquer de frapper l’esprit de Colomb lorsqu’il s’arrêta précisément au parti qu’elles condamnaient, lorsque, demandant à l’Espagne militante, appauvrie, absorbée dans le douloureux enfantement de son unité, ce que lui avaient refusé Gênes sa patrie, la riche Venise, et le Portugal aventureux, opulent et en pleine paix, il sembla donner une excuse à ceux qui le traitaient d’insensé. Il avait foi en la sagacité d’Isabelle la Catholique.

Pas une des qualités de l’homme ne lui a manqué, pas une des vertus, pas un des charmes, pas une des grâces de la femme. Dieu ne l’avait pas seulement choisie, il l’avait désignée, il l’avait parée à l’avance pour ces deux choses qu’elle a faites : la prééminence des races latines affirmée par l’expulsion de ce croissant que l’Orient subit encore, et la découverte du nouveau monde.

Le mérite du roi Ferdinand, son époux, et il lui en faut tenir compte, c’est qu’il la comprit quelquefois et ne l’entrava pas