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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/65

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toujours. Ses peuples lui en ont su gré en l’associant à la gloire de sa compagne, comme il le fut à son pouvoir ; par condescendance pour Isabelle, qui, tout en le chérissant, sut parfois, à regret, mais à propos, lui résister, ils désignaient le couple royal par cette appellation que la postérité n’a pas désavouée : Les deux rois.

L’invasion portugaise repoussée, l’ordre rétabli dans les finances du royaume, la richesse nationale accrue, le clergé épuré, la réforme introduite dans les couvents, les arts, les sciences, les belles-lettres encouragés : telles sont les œuvres de ce règne, et quant à la part qui en revient à Ferdinand, on la mesurera bientôt à celle qu’il prit aux encouragements donnés à Colomb.

Guerrière, savante, lettrée, Isabelle n’en fut que plus jalouse de mériter l’épitaphe des grandes matrones romaines : Lanam fecit. Jamais son époux ne porta de linge qu’elle n’eût entièrement façonné de ses mains.

Sa modestie égalait ses lumières : dans les conseils, elle se montrait avant tout soucieuse de s’éclairer, et, sa résolution une fois prise, elle trouvait pour l’imposer les formes les plus gracieuses, les plus poétiques. Un jour, respectueusement blâmée de procéder avec trop de lenteur à la mise en état de siège de Grenade, elle cueillit une grenade qui se trouvait à sa portée, et, la mangeant lentement, grain à grain : « C’est grain à grain, dit-elle, que doit se manger la grenade. »

Isabelle est au-dessus du panégyrique ; le superlatif l’atténue ; on ne devrait parler d’elle que simplement, froidement ; on ne le peut pas.