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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/77

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à sa cause ce prélat un moment arrêté par des scrupules théologiques, dont l’inanité lui fut démontrée moins par les arguments que par la foi de Christophe Colomb, et cet obscur pilote génois, cet aventurier étranger — étranger, c’était là le pire, — ce visionnaire, cet hérétique, fut, en audience solennelle, présenté aux deux rois par un cardinal, par un personnage qui jouissait d’un tel crédit, qu’on l’appelait le troisième roi.

À ce moment, de tant de rois, Colomb n’en vit qu’un seul : Isabelle.

Il la contemplait enfin, cette merveille, l’honneur, l’amour, le salut de la chrétienté. Il la voyait aussi belle qu’elle était bonne, avec ce maintien qui la grandissait, avec ses traits nobles et fins, ses cheveux abondants et de ce blond si cher aux peintres de madones ; ses yeux couleur de mer comme ceux de Colomb qu’ils semblaient refléter ; et, quand ces doux regards se furent enfin rencontrés, quand ces deux âmes se furent pénétrées pour une même création, le miracle était accompli, l’unité du monde était faite.

Mais si l’avenir appartenait désormais à Colomb, le présent était encore, pour un temps, dans la main des hommes. Les raisons de notre héros, si elles avaient séduit la reine et donné à penser au roi, n’avaient produit que peu d’effet sur une assemblée composée moins de géographes que d’hommes d’État et de théologiens. Seuls, parmi ces derniers, les dominicains, à l’éternelle gloire de leur ordre, avaient reconnu la plausibilité et l’orthodoxie du système.

Ils avaient offert à son auteur la plus large hospitalité dans leur couvent de Saint-Étienne, où se tenaient les conférences, avec une solennité qui eut du moins pour effet d’élever Colomb dans l’opinion