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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/212

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GRANDGOUJON

— Grandgoujon, l’autre jour, vous avez été le plus malin ; vous avez su m’embobiner ; j’ai marché pour vous ; mais chacun son tour : c’est moi maintenant qui suis lucide ! — Grandgoujon, vous avez reniflé la poudre ; vous en avez dans le nez ; mouchez-vous !… parce que si un homme de votre espèce s’emballe, c’est la fin, sommes foutus !… Je vois les gosses : à quatre ans ils sont comme vous : boys-scouts, marches militaires, drapeaux, tout le bastringue ! Ah ! les petits chameaux, ils vont être redoutables après ! Il va leur falloir de l’artillerie et de l’action ; ils vont juger brutalement… d’autant plus… que vous n’empêcherez jamais la chose fantastique qui est en train de se faire, à l’insu de vous et des autres : les États-Unis d’Europe !

Il s’était reculé pour lancer cette annonce avec ampleur, mais, de nouveau, il revint sur Grandgoujon, tête en avant.

— Mon vieux, le socialisme frappe à la porte. Les rois ont le trac et se cachent dans leurs armoires. Grandgoujon, il arrive une vague énorme qui va vous balayer comme une crotte. Au lieu de résister… laissez-vous porter… parce que… vous, au moins, êtes une crotte intelligente… Si !… malgré votre air poire, je vous connais. Quelqu’un me disait hier : « Oui ou non, est-il idiot ? » J’ai dit : « Il fait l’idiot. » Vous marchez sur vos cinquante ans ? Hein ?… quarante sonnés ? c’est ce que je dis. Vous n’avez plus le temps de jouer au soldat ! Faites comme Saint-Denis ; prenez votre tête à deux mains ;