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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/325

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GRANDGOUJON

Il prêta l’oreille :

— Par moments, on croit entendre le canon… C’est trop loin… Pauvre Paris, il souffre assez moralement !… Il est comme moi : inutilisé.

Et il continua ainsi de converser, se demandant où pouvait être sa mère, si Dieu se soucie des hommes, d’où vient le vent. Puis il élabora un plan pour son petit réfugié. Avec tendresse il pensa à Quinze-Grammes qui l’avait mené se rafraîchir chez son père. Il eut des regrets de s’être montré violent pour les Poisson : « Je n’avais qu’à me glisser dehors. » De Creveau même, il conclut : « Il a été brutal avec elle, mais il s’est conduit correctement… comme avec moi… car, en fin de compte… Et je l’ai toujours dit : c’est un type prodigieux ! »

Grandgoujon n’avait pas sommeil. Le petit dormait dans son lit : il décida de veiller. Il était en veine d’idées philosophiques, mais elles lui donnaient soif.

— Je boirais la mer et ses poissons !

Il alla donc à la cuisine, avala du café froid, et, de nouveau, à la fenêtre, il songea à l’amour, à la mort, à la guerre. Puis, comme le ciel s’éclairait d’une première lueur, il s’aperçut qu’il faisait frais. Et cette fois il but du café chaud. Des journaux lui tombèrent sous la main : il n’en avait pas lu depuis trois jours ; il y fit deux découvertes : d’abord la date : 14 juillet ; ensuite que des troupes du front allaient défiler sous ses fenêtres.

— Par exemple !