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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/88

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De Bensseradde.

Si mon œil baigne encor ce teint defiguré,
Il pleure ſeulement de ce qu’il a pleuré.

Epaphrodite.

1425Ce changement ſoudain m’étonneroit, Madame,
Si je mécognoiſſois les forces de voſtre ame,
Votre eſprit ne tient point d’un eſprit abattu
Dont la nature foible étouffe la vertu,
Le Ciel vous a veu faire une ſenſible perte,
1430Vous en avez pleuré, mais vous l’avez ſoufferte,
Et meſme vous avez par un rare pouvoir
Marié la raiſon avec le deſeſpoir,
Et rendu par vos pleurs la nature contente,
Antoine ſatisfait, la vertu triomphante.

Cleopatre.

1435Le iel qui fit mon cœur propre à luy reſiſter
Pour avoir plus d’honneur à me perſecuter,
De crainte que ſa gloire en fut moins eſtimée,
Ne m’attaqueroit pas s’il ne m’avoit armée.
Comme un ennemy preſte en ſon ardent courroux
1440À ſon ennemy nu dequoy parer ſes coups,
Il s’oppoſe à ſoy-meſme en l’honneur qu’il obſerve,
Et deſirant le perdre il veut qu’il ſe conſerve.
Et puis en quelque ſorte icy tout m’eſt rendu,