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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/89

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La Cleopatre

Je trouve dans Ceſar le bien que j’ay perdu,
1445Et quoyque de mon ſceptre un tel vainqueur diſpoſe,
Je ſouffre les effets d’une ſi digne cauſe,
Je ne murmure plus, mon eſprit ſe reſout,
Auſsi bien ſuis je à luy, puis qu’il doit gagner tout,
Que ſous luy l’Univers doit ceſser d’eſtre libre ;
1450Qu’il faut que l’océan vienne adorer le Tybre,
Et que pour acomplir les arrests du destin
S’eſtende ſon pouvoir du couchant au matin,
Je veux vivre ou mourir ſi mon vainqueur l’ordonne,
Et je mets à ſes pieds ma vie, & ma couronne.

Epaphrodite.

1455L’on ne ſe peut ſervir d’un charme plus puiſſant,
Et vostre majeſté s’éleve en s’abaiſſant ;
Quoy qu’en ce triſte jour le ſort vous importune,
L’amour peut relever ce qu’abat la fortune,
Ceſar peut n’uſer pas d’un titre glorieux,
1460Il porte un cœur, Madame, & vous avez des yeux.

Cleopatre.

Pour faire ce beau coup dont mon bien ſe limite
J’ay trop d’averſitez, & trop peu de merite,
Non, non, je ſuis moins vaine, & j’eſpere autrement.
Porte luy de ma part ce billet ſeulement,