Aller au contenu

Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

81
LE CRABE « VOYÉ ».

Max se récria, M. Desroseaux haussa les épaules.

« Ce serait, dit-il, peine perdue d’essayer de lui prouver que ce crabe n’est pas un animal voyé !

— Oui, dit M. de Lorme en riant, c’est là une des formes favorites de la sorcellerie des nègres. Et avez-vous jamais bien compris ce qu’ils entendent par ce mot voyé, envoyé, qui leur inspire une terreur si extraordinaire ? Un individu voit un gros rat qui ne se laisse pas prendre au piège ; tout de suite il va dire que c’est un rat voyé. Une canne, un parapluie a été oublié dans la maison, personne n’y touche, ces objets pouvant bien être bagages voyés ; sur le chemin on ne ramassera ni couteau, ni mouchoir, ni aucun petit objet, de crainte qu’il ne soit ensorcelé. Si quelqu’un manque à cette règle et tombe malade, son entourage ne manquera pas de dire : C’est mal io fai i (c’est du mal qu’on lui a fait). Les accidents les plus naturels sont expliqués ainsi.

— À qui le dites-vous ? répliqua M. Desroseaux. Un matin j’entends une grande rumeur dans la maison contiguë à la nôtre, dont elle est séparée par un petit mur de terrasse seulement.

11