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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/108

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avait escorté quelques pas Théophile Gautier, dont il avait mis des poèmes en musique, on le désigna aux reporters avec tous les signes mystérieux propres à les duper, et Glatigny nous disposa en cohorte protectrice, autour de lui, contre les séïdes de Rouher — sergents de ville inoffensifs de l’ordre et de la circulation.


Coquelin m’avait, dès les premiers jours, présenté ses deux frères, Gustave et Ernest, qu’il aimait tendrement et qui ne le quittaient pas. Il les avait fait venir à Paris pour les entraîner dans sa fortune. Tous deux, cela va sans dire, ne rêvaient que théâtre, à l’étonnement résigné de leur excellente mère, boulangère à Boulogne, ainsi qu’on sait, et qui les regardait se démener derrière le grand comme la poule du proverbe, stupéfaite, au bord de la mare, de voir les canetons de sa couvée marcher dans l’eau. On eût certainement perdu son temps à vouloir lui expliquer le transformisme de Darwin et comment d’un mitron le bon Dieu fait un sociétaire.

Si Gustave, qui était fort joli garçon et très propre aux rôles d’amoureux, s’arrêta sur le seuil de la carrière, c’est qu’il s’en crut fatalement écarté par une légère claudication, suite d’un accident d’enfance. J’ignore s’il nous eût rendu un Delaunay, mais ce que je puis certifier, c’est que, dans les personnages d’Azor, Médor et autres toutous, il atteignait aux confins de l’art. Personne, d’ailleurs, n’a jamais su pourquoi son petit frère l’avait affublé du surnom scandinave de Wasa, qui veut dire : gerbe, et je ne me l’explique que par ce goût singulier pour les