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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/107

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ment et les mouchards, sorte de l’île pour patronner de sa gloire de mauvais vers français, surtout quand c’est vous qui les dites ?

Comme c’était la première fois que je voyais Théodore de Banville, le souvenir de cette sorte d’incantation m’est resté vivant, et, seule, la transcription défaillante que j’en fais peut y trahir ma mémoire. Du reste, les journaux s’en firent les échos crédules, et ils contèrent à mots couverts que le plus illustre des proscrits de décembre, trompant la police, et caché chez MM. A. V. et M. P. M., était expressément venu d’une île de la Manche, applaudir, sous des lunettes bleues et une fausse barbe, la comédie de l’un de ses plus chers disciples.

Si controuvée que fût la nouvelle, elle reposait sur une confusion dont les plus gais d’entre nous s’étaient faits les propagateurs facétieux, à l’instigation de Glatigny lui-même. Du moment que Banville avait vu Victor Hugo dans la salle, c’est qu’il y était, et il ne s’agissait plus que de le trouver. L’un des plus fidèles amis de l’auteur des Odes Funambulesques, le musicien Jules Cressonnois, remplissait en partie les données de l’incarnation. S’il n’était pas venu de Guernesey, il arrivait d’Alger, où il dirigeait un orchestre militaire, pour être des combattants de La Pomme, et il avait fait le voyage dans ce seul et unique but, comme Glatigny de Dijon. Certes personne moins que lui ne ressemblait au grand Exilé, et, s’il m’en souvient bien, Jules Cressonnois était bigle, mais il portait les lunettes requises, la barbe signalétique et il avait tout à fait l’air de quelqu’un qui débarque, arrivé d’Afrique une heure avant la représentation. En outre, comme à la sortie il